Enquête routière - Suite et fin

Publié le par lilipoutchi

Lorsque je reviens de ma pause, je retrouve Grégory en train d'assurer une double fonction : recenseur - enquêteur. Il s'embrouille entre ses différentes feuilles. Des voitures passent dans son dos sans qu'il s'en rende compte.
Le Chihuahua aboit qu'il doit mieux recenser.

Typique de la relation entre le gars qui demande beaucoup, et celui qui veut trop bien faire pour s'appercevoir qu'il ne peut pas tout faire.

le Chihuahua et Grégory vont partir relever deux personnes qui font un autre travail passionant : assises au bord de la route, elles comptent les voitures qui passent. Ils rentreront dans 1h, et les filles pourront prendre leur pause.

Je vais devoir assurer la double fonction à la con. Ca m'a l'air tendu, et je fais pars de mon appréhension à mon supérieur canin. Il me révèle alors une information formidable : il suffit d'interroger 30% des automobilistes qui passent. Je n'ai à donner un coup de main que s'il le faut.

- Et sois bien directif.

T'inquiètes mon gars. Maintenant que j'ai observé les gendarmes à l'action, ça va être de la tarte. Le chihuahua propose aux filles de les emmener pisser car, comme prévu, aucun toilette n'a été prévu pour nous. Ce n'est pas exactement le genre de proposition qu'on entend tous les jours croyez moi.
Elles refusent d'un "non" très quelconque.

Il est 13h passé. Ca fait plus de 6h qu'elles bossent en plein soleil sans avoir mangé, ni bénéficié de la moindre pause. Alors on se serre les coudes. On applique à la lettre la règle des 30%. Les filles se relaient pour avoir le temps de casser la croute. Entre deux, on a le temps de rigoler un peu.
Si le top management de cette boite voyait ça, il lui pousserait des boutons. Et peut être même des boutons sur les boutons.

Nos gaillards reviennent deux heures plus tard. Tranquille Emile Louis. Les filles auraient du enchainer 8h de taf sans pause. Le Chihuahua est un chien sans reproche. Il noie le poisson de manière très habile en leur disant :
- Prenez une pause tout de suite.


Je me retrouve alors à bosser avec Grégory. Grégory qui n'a pas compris la règle des 30%. Il vaut toujours faire mieux, faire plus. Il m'envoie des voitures non stop. J'interroge à tour de bras. Deviens une machine à poser des questions et à écrire les réponses sur une feuille. Une machine qui dit bonjour et merci, une machine qui fait un sourire poli, mais une machine quand même. Une machine dont la mémoire n'a pas besoin de stocker les informations, et qui les oublie instantanément. A peine levé ma tête de la voiture,
Je commence à saturer. Ca va faire 10h qu'on travaille au soleil. Petit à petit, on cuit dans un mélange subtil de poussières d'échappement et de vapeurs d'hydrocarbure.

Une voiture passe, la fenêtre baissée :
- LA VIE EST BELLE LES GARS !!!

Si tu savais mon vieux !

Et Grégory qui ne comprend pas que ça ne sert à rien d'interroger tout le monde. Le Chihuahua l'a bien dressé. J'ai beau insister, il ne comprend pas, et ne lacherait même pas une seule voiture. Alors quand il a le dos tourné, je fais signe aux voitures de passer. Il me regarde d'un drôle d'air et reste coi. Quoi ? On n'est pas des bêtes non plus.
En parlant de bête, notre maître à tous revient, dans le style sunglasses-musique-j'me la pète.
Il est à la fois drôle prétentieux et ridicule. Je ne pensais pas qu'un si petit être pouvait contenir autant d'adjectifs.

La fin de la journée est longue comme la mort, un jour sans pain ou un jour sans fin au choix.
On en a tous marre de poser les mêmes questions aux gens qui pourraient bien être les mêmes vu qu'on les oublie. On a tous pris chaud. On a la gueule toute rouge.
Malheureusement parmi nous, il y en a un qui veut toujours en faire plus et qui nous freine dans notre levage de pied. Il le veut parce qu'il a peur de se faire mordre les molets. Il est pris en tenaille entre un boss qui en demande beaucoup et des intérimaires qui n'en peuvent plus.
Pauvre de lui.

Il est 19h. On remballe et un mars. Je peux finalement rentrer chez moi après cette superbe journée à mi temps.
J'ai vécu une journée enrichissante. Pas tellement d'un point de vue financier. J'ai découvert un nouveau métier que je ne veux pas faire.
Pas de rêve désagréable cette nuit là. Je tombe comme une masse après une journée assomante.


Le lendemain, je rends visite à Madame Power.

- Ca a été hier ? Vous n'avez pas pris de coup de soleil ?

Cette question... Même Hellboy n'a pas la gueule plus rouge.

- Un peu, comme vous le voyez...
- C'est une chance de prendre un coup de soleil en cette saison ! On n'a pas le droit de s'en plaindre ! déclare unanime une employée blanche comme une oie qui reste dans son bureau toute la journée.

En effet, c'est un privilège d'attrapper une insolation au mois d'avril. J'ai pu faire des économies substantielles depuis que je peux m'essuyer les fesses avec une éponge. J'hésite du coup à ramener le sujet du 'pas de toilette' sur la table. Madame "c'est une chance" répondrait peut être que c'est merveilleux de déféquer dans la nature au contact des éléments, ou que c'est formidable de sonner chez des gens pour leur demander d'aller pisser chez eux. On perd ce genre de rapport authentique de nos jours.

Ca me donne une idée de programme télé : "J'irai pisser chez vous."








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